LES ROIS DE LA PEDALE
Depuis la naissance de la batterie, la pédale de grosse caisse est devenu un élément important de cet ensemble de percussion nommé judicieusement batterie, étant une batterie d’instruments percussifs.
Il y a globalement deux grandes époques de la batterie. Celle d’avant, et celle d’après Gene Krupa.
Avant, c’est un instrument constitué d’une grosse caisse et d’une caisse claire autour desquelles viennent se greffer les cymbales suspendues et un nombre de petites percussions hétéroclites disposées sur une console surmontant la grosse caisse.
La batterie est alors une extrapolation scénique de la percussion de fanfare réduite en espace, et dédiée à un seul instrumentiste qui joue le rôle de plusieurs musiciens. On l’utilise beaucoup dans les théâtres, les cinémas, des lieux où elle joue autant le rôle d’instrument de musique que de bruitage.
Bien sûr, elle accompagne aussi les orchestres et devient un instrument central dans le jazz. C’est de cette direction que va naître l’instrument tel qu’on le connaît aujourd’hui, grâce donc à Gene Krupa, le batteur de Benny Goodman entre autres, qui va se faire un ensemble cohérent avec une batterie Slingerland comprenant une caisse claire, deux toms médium et un tom basse, une cymbale ride, une grosse caisse et une pédale de charleston.
Avant cela, en 1909, William F. Ludwig propose la première pédale de grosse caisse qui préfigure la pédale de grosse caisse moderne.
Cours de techno, niveau 5ème
Voyons maintenant qu’est-ce exactement qu’une pédale de grosse caisse en essayant de résumer sa fonction en un dessin le plus simple possible.
A gauche, l’objet consiste en fait en une lame de métal faisant ressort : la partie basse sert de base et se courbe de façon à former la semelle. Une tige métallique est enclenchée dans deux ergots qui maintiennent la batte en position verticale. Pour fixer la pédale au cercle de grosse caisse, la partie avant de la base prend la forme d’une pince qui fonctionne grâce à l’élasticité supposée du métal utilisé pour l’ensemble.
Le dessin de droite est une vue de profil de l’ensemble fixé à une grosse caisse ( en détail et en coupe).
Si cet objet fonctionne parfaitement en théorie, dans la pratique, on expérimente tout de suite les points faibles.
La pince de fixation :
Si elle est solidaire de la base, il y a un problème puisque la plaque de la base doit être plane pour un parfait contact avec le sol alors que la pince, elle, doit épouser l’arrondi du cercle de grosse caisse.
On en déduit donc que la fixation et la base doivent être indépendantes.
L’axe base/ semelle.
Notre principe simplissime de tordre la même tôle pour la base et la semelle fournit un type de ressort qui n’est pas réglable. Cela veut dire que commercialement, l’objet n’est pas viable pour tous les acheteurs. D’autre part, la base et la semelle sont réalisées dans la même matière alors qu’elles n’ont pas le même cahier des charges à remplir. La base, en effet, doit être rigide et lourde, la semelle rigide et légère. Il faudra donc que le matériau utilisé pour cet ensemble soit un compromis entre les deux, ce qui n’est pas la meilleure solution.
En revanche, il suffit de désolidariser la base et la semelle pour régler le problème.
En faisant cela, nous avons néanmoins éliminé la fonction axe/ressort en la remplaçant par une solution axe uniquement. Il faudra donc créer un nouvel élément qui fasse office de ressort. Un ressort par exemple. Pas con. Mais aussi un principe pour que la semelle tienne en hauteur. Cela sera le rôle de la potence.
La fixation de la batte :
A l’évidence, là aussi, notre fixation de batte n’est pas réglable. Cela veut dire qu’elle conviendra pour certains formats de grosses caisses, mais pas pour d’autres. Sur ce point, les fabricants cependant ne s’encombrent pas de grands principes. Les gabarits de grosse caisse les plus courants étant de 20, 22 et 24 pouces, les peaux de 18 pouces et rarissimes 26 pouces doivent se plier au compromis de recevoir un coup trop bas ou trop haut!
En revanche, il va sans dire que notre fixation risque fort de ne pas supporter bien longtemps son rôle de marteau sans en faire souffrir sa fixation, voire la semelle.
La batte devra donc être fixée solidement quelque part.
Cours de Techno, niveau 4ème
Notre deuxième schéma, qui a pris acte de nos remarques va donc avoir à peu près cet aspect :
A partir de ce dessin, nous avons les éléments minimum de ce qui constitue encore aujourd’hui une pédale de grosse caisse :
1 : l’attache à la grosse caisse qui solidarise la pédale et le fut.
2 : la base qui maintient la pédale au sol.
3 : l’articulation base/ semelle.
4 : la semelle.
5 : l’élément porteur du ressort
6 : la batte
La Ludwig de 1909 (Toe Operated Bass Drum) , avait déjà tous ces éléments, comme on peut le vérifier sur cette vue de face et d’arrière ( elle avait même un élément fondamental en plus dont nous parlerons plus tard) :
On note d’abord que par rapport à notre schéma d’avant, la pédale Ludwig est plus fragile d’aspect. Pour deux raisons essentielles. La première est que même au début du 20ème siècle, les industriels avaient pour objectif de construire le plus efficacement possible avec le coût de production le moins élevé possible. La deuxième raison est que l’efficacité, en la matière, était moins exigeante qu’aujourd’hui.
Les scènes gigantesques du rock avec leur sono de milliers de watts n’existaient pas, et la musique se jouait encore de manière humaine. D’autre part, l’utilisation musicale de la grosse caisse n’était pas la même. Rappelons comme nous le disions que les batteries d’alors étaient une extrapolation de la percussion de fanfare. Dans ce type de musique, la grosse caisse sert essentiellement à accentuer les temps forts. Les grosses caisses des premières batteries étant de dimension imposante, l’instrumentiste se contentait souvent de parsemer la partition de ses boums bienvenus. Pour cela, une pédale comme celle dont nous parlons suffisait largement.
Les décennies passant, cette interface entre le batteur et sa grosse caisse vont devoir faire face à deux montées en puissances jugulées : celle de la solidité, et celle de la réactivité.
Voyons justement ces quelques aspects avec notre petite Ludwig.
Notre attache consiste en une simple pièce métallique fixée par un boulon vers l’arrière donnant un jeu et une inclinaison voulue en fonction de l’épaisseur du cerclage de grosse caisse. Une autre vis, à l’avant, permet de serrer ensuite l’ensemble pour caler la pédale contre la grosse caisse.
C’est encore actuellement ce type de pince qui est couramment répandu, mais avec quelques améliorations minimum. Prenons par exemple cette attache sur une Trick Récente.
En plus d’un siècle, la pince est toujours d’actualité, mais ici, on note que le cercle du fut (symbolisé par les trois traits rouges) repose entre la pince (ici en position fermée, mais il faut l’imaginer ouverte, enserrant le cercle) et deux butées rondes en caoutchouc. Trois point de serrage donc, au lieu d’un seul pour notre grand-mère Ludwig.
Cette liaison fut/pédale est un point important pour la rigidité de l’ensemble. De nombreuses pédales de jadis pouvaient en effet se détacher au fur à mesure que le batteur se déchainait sur son instrument. D’autre part, une fixation métallique du type de cette première Ludwig n’était pas très tendre avec le bois du cerclage.
Passons maintenant à la base qui, sur notre centenaire, se résume à une tige à l’aspect bien fluet, qui relie le talon de la semelle au support de ressort. C’est incontestablement ce qui frappe le plus sur cette pédale.
Comparons cette base avec notre Trick de tout à l’heure : en un siècle, on a compris qu’une base imposante était aussi un gage de solidité et de stabilité.
L’articulation base semelle, sur le modèle vintage est partie intégrante de la tige qui sert de base. Sur le dessin vu de dessous, cette tige est en effet coudée et passe à travers le bas de la semelle et entre deux trous d’un talon. Ce système plutôt ingénieux, puisqu’il utilise la base comme telle mais aussi comme articulation, fait fonction globalement de charnière, un principe mécanique simplissime qu’on utilise toujours comme on peut le voir sur ces deux pédales récentes, une Sonor Jojo Mayer et une Drumnetics :
Pour l’instant, on constate donc que l’évolution de cet outil de batteur a été surtout fonction de la volonté de le rendre plus endurant. Les éléments sont plus massifs et de qualité optimales. Les fabricants de pédales haut de gamme aujourd’hui, ne manquent d’ailleurs jamais de rappeler qu’ils utilisent de l’aluminium aéronautique, du titane et d’autres métaux nobles d’industrie de pointe. L’argumentation est commerciale, bien sûr, mais il est vrai que le cahier des charges de l’outil est plus exigent qu’il n’y paraît.
Revenons à notre semelle de Ludwig du début du vingtième siècle qui, à titre d’éléments constituants, n’échappe pas aux règles que nous venons d’énoncer. La semelle d’une pédale de ce type se doit d’être légère afin d’éviter les problèmes liés à son inertie. N’oublions pas en effet que la semelle est mobile et qu’elle constitue le contrôle direct entre le musicien et le mécanisme de frappe. Plus elle est lourde, et plus elle freine la vitesse d’exécution. En revanche, il est aussi primordial que sa rigidité soit sans faille.
( anecdote : ma toute première pédale de grosse caisse était un modèle quelque peu disloqué qui n’avait plus de semelle. J’ai donc décidé de lui en mettre une semelle découpée dans un bout de bois aggloméré. J’ai du l’utiliser une trentaine de secondes. Le temps de la casser en deux)
La solution de 1910 consistait donc en une semelle en acier qu’on a allégée en perçant des trous à des endroits spécifiques. Une fois de plus, on constate que le procédé a perduré comme sur ce modèle économique à 29 euros, bien qu’en matière de pédale de grosse caisse, les trous dans la semelle ne sont pas l’apanage des pauvres:
Les matériaux modernes, très rigides tout en restant légers, permettent néanmoins de fabriquer des semelles pleines. Certaines marques exhibent ainsi volontiers leurs semelles épurées futuristes comme cette DrumneticsВ ou cette Trick dont nous voyons deux modèles ci-dessous :
Pour ce qui est de la batte de la pédale, les alternatives se sont multipliées dès le début quant au choix des matériaux utilisés pour la tête . Cela va du bois au feutre en passant par la laine, la fourrure, et bien d’autres matières naturelles ou non qui se partagent le rôle final de frapper la peau. Le son obtenu alors est évidemment dépendant de cette matière, de très feutré à très dur. Il existe aujourd’hui des têtes en plastique, des têtes réversibles proposant deux faces de frappe différentes avec deux matériaux différents. On voit sur ce document ci-dessous, différentes versions, anciennes et modernes.
La forme aussi est variable. Concernant les têtes plates et peu profondes, à l’image de la batte Trick, en haut à droite, il faut retenir que plus encore que le son, c’est le jeu du batteur qui est changé. Avec une batte ronde ou cylindrique en feutre ou matériau similaire, la pédale s’enfonce dans la peau en s’écrasant. Avec une batte plate, l’écrasement de la tête est minime. Cela implique qu’il est difficile de doser son jeu au pied et, pour cette raison, ces battes sont destinées à un jeu franc et agressif. Elles sont par exemple très efficaces montées sur des pédales doubles pour des batteurs de musique extrême qui envoient des croches et des doubles croches à des tempos élevés.
Nous en terminerons avec notre petite Ludwig de 1909 avec l’élément porteur de l’axe portant la batte. En fait, ce qu’on appelle la potence. Ce dernier élément est fondamental à trois titres. Tout d’abord, la potence elle-même peut comporter un ou deux bras. Ensuite, de cette potence, contrairement à notre dessin simplifié, ne partira pas un ressort, mais un axe sur lequel sera fixé la batte (donc, pas sur la semelle, comme nous l’avions fait). Le ressort, quand à lui, est relié d’une façon ou d’une autre à cet axe. Et dernier point, qui est souvent très important pour les batteurs et semble anecdotique au premier abord, la liaison de la semelle et de la batte, via son élément porteur. C’est ce point précis que nous évoquions lorsque nous parlions d’élément fondamental que notre petite mémé Ludwig avait de plus que notre pédale virtuelle.
Il est en effet très peu judicieux de visser la batte sur la semelle car cela occasionnerait une fatigue rapide du vissage, de la semelle et de la batte d’une part, et rigidifierait l’interface batteur que représente la pédale.
Nous disions donc que la potence peut être à un ou deux arbres. Ci-dessous à gauche, une Rogers swiv-o-matic des années 60/70 avec une potence monobras et à droite, la Speedking de Ludwig, à deux bras.
En physique, et à fortiori dans l’industrie, on évite toute construction en porte à faux. C’est ce qui est pourtant le cas sur notre Rogers. En fait, on trouve du porte à faux dans des domaines mécaniques bien plus pointus que notre modeste pédale à boum boum. Cette Ducati de plus de 1000 cm2 par exemple :
Certes, sur cet exemple (il y en a d’autres, notamment des scooters), l’amortisseur est bien centré comme on le voit sur la vue d’arrière, mais il n’y a bien qu’un élément qui relie le cadre à la roue. On peut donc admettre facilement que la potence de la Rogers est viable (dans les faits, elle l’a été). N’oublions pas que notre petite Ludwig, monobras, elle aussi, avait fait ses preuves, cinquante ans avant.
Les constructeurs optent néanmoins en majorité pour une potence symétrique. Ce qui avait permis d’incorporer judicieusement une fixation de cercle de grosse caisse inventive et efficace à cette Asba Caroline (années 70):
En ce qui concerne la liaison entre la batte et le ressort, là encore, Ludwig avait trouvé un mécanisme qu’on continue à utiliser de nos jours avec une légère variante. Sur le schéma d’une «Toe Operated Bass Drum В» ayant bien vécu, on comprend que le bras est surmonté d’un cylindre dans lequel un autre cylindre est inséré (symbolisé avec les traits verts). Ce cylindre peut tourner librement et joue donc le rôle d’un axe. Les deux extrémités de cet axe sont sertis par deux anneaux qui sont donc solidaires de cet axe. Le premier anneau est nanti d’un long ergot qui relie notre anneau à la semelle via une tige métallique. Lorsque le batteur appuie sur la semelle, celle-ci abaisse donc l’ergot et fait tourner notre anneau. Mais par la même occasion, le deuxième anneau qui lui, est relié au ressort par une patte, tourne également. La batte (ici absente) va frapper la peau et, grâce au ressort, lorsque le batteur relève le pied, la pédale reprend sa position initiale.
Le système couramment répandu aujourd’hui n’est qu’une variante dont on peut voir ici-bas, une photo :
Le ressort est fixé à une pièce trapézoïdale (A) qui porte un piton réglable (B). Ce piton n’est rien d’autre que la patte de notre anneau de mémé Ludwig.
Sur cette même photo, une zone entourée en vert montre une autre caractéristique déjà présente sur la Ludwig de 1909. Il s’agit du réglage de tension du ressort. On l’a compris : ressort tendu plus ou moins fort selon le niveau de bourrinage du musicien. Le ressort, et plus précisément la fonction élastique qui permet à la semelle de revenir à sa place après un coup reste encore aujourd’hui un point sur lequel planchent les fabricants. Peut-on le remplacer par un principe plus efficace ? Si non, quel type de ressort utiliser ? Le travail en extension est-il meilleur que le travail en compression ? Nous reviendrons sur la question. Dans la théorie, en tout cas, le pied du batteur devrait rencontrer un minimum de résistance à la frappe et le ressort devrait contribuer ensuite à ramener le plus vite possible le batte en position de nouvelle frappe.
Dans la pratique, lorsque le batteur ne parvient pas à frapper suffisamment rapidement, il en vient parfois à soupçonner la pédale. En réalité, un bon batteur peut être très rapide avec une pédale basique et aura simplement moins d’énergie à fournir avec une pédale haut de gamme.
Ce qui revient à dire que le plupart des pédales du marché remplissent complètement leur rôle. La différence entre modèle accessibles et modèles onéreux réside essentiellement dans la qualité des matériaux utilisés qui permet une longévité plus ou moins grande. Pour autant, acheter une pédale qui dépasse les 200 euros sous prétexte qu’elle est fabriquée avec des matériaux de l’aéronautique, doit faire réfléchir. Surtout qu’à l’instar de tout produit manufacturé, le prix est fonction aussi de la marque et du lieu de fabrication, indépendamment de la qualité finale.
Avant d’en finir avec cette conférence essentielle qui fera date dans le milieu pédalier, parlons de notre petit bout de ferraille qui lie la semelle de notre vieille Ludwig au piton de l’anneau de gauche. Sur notre photo ci-dessous figure une variante de la «Toe Operated Bass Drum В». L’élément qui nous intéresse est cette tige qu’indique la flèche rouge.
On imagine assez facilement que relier la semelle de la pédale au support de la batte avec un élément rigide ( et par là même, au ressort ) présente l’avantage d’une liaison directe. Contrairement à une liaison par courroie.
Pourtant, à l’usage, si ce type de liaison envoie directement l’impulsion du batteur à la grosse caisse, elle le fait sans aucune souplesse. L’énergie envoyée se transmet également à tous les éléments concernés : la grosse caisse, mais aussi la pédale et l’instrumentiste.
C’est une des raisons qui font que certains batteurs préfèrent une courroie qui, grâce au jeu fourni par sa nature souple, crée une déperdition du choc bénéfique à la pédale et au batteur. Cette différence entre transmission par courroie, chaine ou barre rigide procure des sensations différentes au batteur qui fait parfois son choix sur ce critère.
Les musiciens qui par le plus grand des hasards, se seraient perdus ici, se demanderont sans doute pourquoi il n’est toujours pas question, après 238 lignes de bla bla, des semelles de pédales avec ou sans talon. Nous y venons, mais sans nous étendre. Il existe en effet deux types de modèles. Sur la photo ci-dessous, deux Trick du même modèle, mais avec une configuration avec et sans talon :
Pour jouer de la grosse caisse, les batteurs se servent alternativement du pied avec le talon posé sur la pédale ou levé. C’est le principe du jeu talon/ pointe. La technique est assez évoluée et dépasse en fait ce simple binôme talon/ pointe, dans la mesure où les plus expérimentés utilisent des combinaisons. Nous n’entrerons pas dans ces détails qui dépassent largement nos compétences ( allez plutôt regarder des vidéos de pros pour ça !!) et nous bornerons a dire que les fabricants vendent des pédales à semelles à talon destinées plutôt au jeu du même métal et des sans talon qui peuvent être la préférence des musiciens véloces qui jouent beaucoup avec la pointe du pied.

Talon collé à la semelle, jeu avec la pointe, jeu avec le pied parralèle à la semelle. Mélangez le tout et servez vite.
Personnellement, j’aurais tendance à préférer les semelles à talon parce qu’elles permettent de laisser poser le talon sur cette surface immobile qui n’a aucune incidence sur l’inclinaison de la semelle, même si le batteur, en concert, ne repose jamais son pied plus de deux secondes.
Nous avons donc vu que la pédale de grosse caisse telle que nous la connaissons aujourd’hui, a été mise au point vers 1910. Que les améliorations apportées ensuite concernent essentiellement la solidité et la vitesse, même si cette dernière, insistons bien là-dessus, dépend tout d’abord du musicien ! Ces améliorations se sont également accompagnées de réglages toujours plus nombreux, dont certains relevant plus du marketing que des réels besoins du musicien. Ces derniers s’en remettent d’ailleurs parfois plus à leur travail qu’aux « réglages miracles » des fabricants. N’oublions jamais, en effet, comme le dit mon ami Jean-Pierre , que c’est le musicien, avant tout, qui fait le son.
Si la batterie est un instrument bruyant, il n’en demeure pas moins que la pédale de grosse caisse ( idem pour la Hi Hat) se doive d’être la plus silencieuse possible. A ce titre, les roulements à bille qui ont fait assez vite leur apparition ont joué un rôle primordial, tout autant que le nylon, le téflon ou autre matière anti friction qui agrémentent désormais la plupart des modèles. Cela sans doute pour faire plaisirs aux délicates oreilles qui entendent les shuintements de la Speed King de John Bonham sur certains enregistrements de Led Zeppelin! ( mais est-ce vraiment la Speed King ou la pédale de charleston qui grinçait ?)
Deux grosses caisses
Dans les années 70, certains batteurs qui cherchaient plus de vitesse se sont adjoints une grosse caisse supplémentaire. Ils s’en servaient essentiellement pour balancer des croches à haute vitesse et aussi pour la frime. Les batteurs jouant sur deux grosses caisses se sont multipliés et on notera juste pour l’exemple Ginger Baker ( qui utilisait deux futs de diamètres différents) ou Keith Moon. Egalement Jaki Liebezeit du groupe allemand Can, exemple typique de croches de grosses caisses servant de base rythmique durant de longues improvisations.
Mais la double grosse caisse présente un double désavantage : le prix et l’ergonomie. Tous les batteurs ne peuvent pas en effet se payer deux grosses caisses, et quand ils le peuvent, la deuxième grosse caisse est un peu imposante dans le placement des fûts et de la quincaillerie.
Cela va changer radicalement au début des années 80 avec DW, une marque de batterie américaine qui va réussir à s’imposer durablement malgré la marée japonaise. DW crée en effet la double pédale qui fait l’économie d’une grosse caisse. Pour l’ergonomie, il faut tout de même faire de la place à cette deuxième pédale actionnée par le pied qui est dédié également à la pédale de charleston (pas en même temps, bien sûr. Sauf pour ceux qui ont trois jambes, mais ça reste assez rare. Les batteurs qui le prétendent font preuve d’un humour discutable et se vantent, qui plus est).
La pédale de DW (pour Drum Workshop) fait appel à une barre de transmission dotée d’un cardan, mais on passera vite à deux cardans, ce qui aide le batteur à caser son machin au milieu des pieds de stands de cymbales, caisse claire et charleston qui encombrent le sol.
Mis à part cette essentielle jonction à cardan, la pédale de grosse caisse, qu’elle soit simple ou double, répond aux mêmes exigences maintes fois rappelées ici: solidité, endurance, réglages, fluidité, réactivité et silence.
Avant d’aller faire un somme réparateur, nous citerons quelques pédales qui ont fait l’histoire.
Les grands mères
En premier lieu, on peut citer la Ludwig Speed King. D’abord parce qu’elle a été commercialisée par Ludwig qui, avec notre petite pédale Toe Operated, a marqué un vrai nouveau départ de la pédale de grosse caisse contemporaine. Mais aussi parce qu’elle a accompagné et accompagne encore de nombreux noms célèbres de la batterie. Créée au milieu des années 30, elle se démarque notamment grâce à ses deux ressorts cachés dans les deux bras de la potence, qui fonctionnent en contraction et non en extension. Le coup donné, le ressort repousse donc l’axe où est montée la batte au lieu de le tirer comme c’est la majorité des cas. Parmi les plus de cette pédale, on notera le talon qui était réversible : tourné d’un côté, il devenait solidaire de la semelle et tourné de l’autre, il collait au sol.

Le roi de la vitesse. “Speed king” est aussi un titre de Deep Purple, dont Ian Paice, le batteur, jouait avec une Speed King…
La Rogers Swiv-O-Matic n’a sans doute pas eu le succès interplanétaire de la Speed King, mais restait une concurrente sérieuse de la Ludwig, les deux marques se tirant sérieusement la bourre dans les années 60 et 70. Cette pédale à potence monobranche était disponible avec une semelle sans talon articulé ( à gauche) ou avec articulation. Parmi les avantages de la Swiv-O-Matic, on note un réglage en hauteur de la potence. Il permet de régler la pédale selon différents formats de grosses caisses, même si le jeu reste bien inférieur qu’avec l’Orange citée plus bas. Une autre idée bienvenue est le réglage de tension du ressort qui est reporté vers le haut pour faciliter l’accès au batteur tout en restant sur son siège. En revanche, si le principe de rotation de la base offrait une rotation possible autour de la grosse caisse, ce qui pouvait s’avérer pratique pour un jeu en double, l’option choisie relevait plus de la quincaillerie que de la mécanique.
C’est à peu près à la même époque que la Camco arrive sur le marché. Créée par une petite compagnie américaine, cette pédale se fait connaître surtout grâce à Tama qui a racheté une partie des droits Camco, l’autre revenant à DW. On note surtout l’entraînement à chaine donc, qui tourne autour d’un pignon, à la façon des bicyclettes ! La chaine va devenir en effet un best seller dans le domaine et beaucoup de pédales contemporaines sont à entrainement par chaine qui semble être un juste milieu entre la courroie et la liaison rigide.
La Ghost n’est pas très connue. En France, elle est rarissime. Sa technologie est unique dans la mesure où elle utilise deux ressorts en spirale comme on en utilise en horlogerie ou pour ces jouets d’enfants qu’on remontait avec une clef. Un ressort fonctionnait pour l’aller et l’autre pour le retour. N’ayant jamais eu en pied cette pédale et encore moins en main, je suis dubitatif quant à ces deux ressorts indépendants, le problème de la pédale de grosse caisse étant justement lié à la séparation des fonctions aller et retour. Si je chope une Ghost un de ces jours, je vais tacher de percer ce mystère ! Pour l’histoire, c’est Bob Ramsey, un ingénieur embarqué sur un porte avion de la deuxième guerre mondiale comme machiniste, qui fabriqua cette pédale pour le batteur de l’orchestre à bord. Ce bateau que les Japonais déclarèrent à tort avoir coulé à maintes reprises fut surnommé le bateau fantôme par les Américains. Et Ramsey donna le nom à sa pédale au début des années 40. En 1975, Ludwig, désireux de ne pas subir la concurrence de cette Ghost dont la réputation de souplesse risquait de faire du tort à la Speed King, rachète les droits. Mais la commercialisation de la pédale s’arrêtera en 1981. La raison invoquée par William Ludwig Junior est un problème de maintenance: lorsqu’un ressort se cassait ou même s’il sortait de son logement, il était impossible pour le batteur de le réintroduire dans sa coupelle. Ludwig devait donc faire face à des retours dû à l’impossibilité d’auto dépannage de ses clients. Un des ouvriers de chez Ludwig avait également été blessé sérieusement au visage par un de ces ressorts qui s’était délogé violemment.
A l’époque bénie où les français pouvaient aussi produire sans l’aide d’Arnaud Montebourg, la marque Asba imposa son savoir faire dans le monde de la batterie. Cette pédale Caroline, par exemple a été un vrai succès national. Rien de révolutionnaire dans sa conception, mais une qualité de fabrication sérieuse lui valait un succès mérité. On note les vis de réglages surdimensionnée et les bras de potence solides comme des rocs ainsi que le système de fixation au cercle de grosse caisse qu’on a déjà mentionné. Un réglage en bout de semelle permettait de régler la butée de la pointe du pied.
De même qu’Asba, Jacques Capelle fit les beaux jours des batteurs français dans les années 70 avec la marque Orange qui deviendra plus simplement Capelle par la suite. Lui aussi créa une pédale de grosse caisse notoire avec ce modèle adaptable sur tous les diamètres de grosses caisses. Cette fois, contrairement à la Swiv-o-matic de Rogers, il s’agit d’une adaptation plus conséquente dans la mesure où la batte coulissait sur un axe fixé verticalement sur deux cotés opposés du cercle. Comme avec la pédale Rogers, on note qu’ici aussi, le réglage de tension du ressort peut s’effectuer tout en restant assis, ce qui permet de vérifier l’efficacité désirée tout en jouant.
Cette pédale Orange reste d”une conception pertinente, une trentaine d’années après sa conception, la seule restriction étant qu”il faille jouer sur la longueur de la courroie de transmission pour garder un angle d”attaque approprié. Avec une GC de petite taille, en effet ( exemple en vert) l”angle se réduit et il faut éviter que la pointe de la semelle tape sur l”attache, en bout de course de frappe. A l”inverse, sur un gros modèle de GC (modélisé en orange), il faudra sans doute réduire un peu la longueur de la courroie.
Aujourd”hui, si les batteurs jouant sur des gros modèles ( 26″) doivent composer avec une frappe tombant plus bas que le centre de la peau, les rehausseurs offrent désormais une solution adéquate pour les petits formats.

cette petite pièce rehausse la grosse caisse du côté de la pédale. Du côté de la peau de résonance, les pieds réglables de la grosse caisse permettent de garder le fut horizontal.
Les djeun’s
Aujourd’hui, les Japonais ont fait un pas de géant sur le marché des instruments de musique, et il n’y a aucune raison pour que la batterie fasse exception. Ludwig vend toujours sa Speed King, mais la pauvre ne peut plus guère compter que sur son histoire pour rivaliser avec les nouvelles venues. Asba et Orange ont disparu. Chez les américains, DW sauve l’honneur et tient la dragée haute à Tama, Yamaha, Mapex et Pearl. Axis et Trick, marques américaines également, se positionnent sur un marché haut de gamme, tandis que l’Allemand Sonor est toujours dans la bataille avec de bons produits. Evidemment, cette liste n’est pas exhaustive et ne reflète que les marques phares facilement disponibles.
Les Américains
Voici deux modèles DW qui couvrent globalement la gamme du fabricant américain en 2013. A gauche, un modèle 2000 avec déjà tous les réglages indispensables, vendu sous la barre des 90 euros. A droite, un modèle haut de gamme 9000 avec roulements à bille et aluminium à tous les étages, ainsi que des réglages supplémentaires. Cette fois, la facture excède les 300 euros. DW s’est rendu célèbre grâce à sa pédale double, mais aussi avec ses batteries très haut de gamme qu’ont adopté un nombre considérable de batteurs dans le monde entier. Si vous voyez une batterie avec des coquilles rondes, il y a de forte chance que ce soit une DW.
Ludwig, on l’a dit, commercialise toujours sa Speed King qui n’a pratiquement pas changé malgré ses 60 ans bien sonnés. La légende a un prix puisque pour ce modèle coûte tout de même plus de 210 euros.
Gibraltar USA, qui ne fabrique que des accessoires pour les batteurs et percussionnistes, s’est taillé une belle part de marché dans le créneau de la pédale, qu’elle soit de charleston ou de grosse caisse. Concernant ces dernières, les modèles vont de modèles d’une soixantaine d’euros ( les deux modèles à gauche, qui se différencient par la semelle et la batte) et atteignent pratiquement les 180 avec ce modèle de droite possédant de multiples réglages dont un système d’attache à la grosse caisse particulièrement sophistiqué et impressionnant !
Les pédales Axis fondent leur réputation sur les matériaux employés et représentent un peu le nec plus ultra des batteurs modernes. Cette réputation coûte bonbon puisqu’il les prix commencent aux alentours de 300 euros et la double pédale A21 2 Laser longboard se vend la bagatelle de 760 euros sur Internet. Autant dire un très bon kit de batterie complet d’occase. Bien réfléchir avant !
Même son de cloche chez Trick, un fabricant de batteries qui s’est spécialisé dans les futs en aluminium et qui vend la Pro 1-V, et la dominator, sa petite sœur un peu moins chère mais reprenant l’essentiel de la Pro 1-V. Tout comme chez Axis, ici, ce sont les matériaux utilisés qui sont mis en avant : titane, aluminium usiné et non moulé, des roulements à billes haut de gamme.. Mais toujours à des prix très élevés. La Pro 1-V vaut en effet dans les 400 euros et 850 dollars en version double. On notera avec ironie que Trick a choisi la solution du ressort travaillant en compression. L’ombre de la Speed King n’est pas loin..
Les Japonais
Tama a trouvé un accueil enthousiaste des batteurs avec sa gamme Iron Cobra. Sans doute une des pédales les plus populaires à l’heure actuelle, l’Iron Cobra est sans conteste de la trempe de la Speed King, à savoir un bon workhorse comme les appellent les anglo saxons. Ici, en plus, ce n’est pas une pédale, mais une gamme qui s’étend d’un modèle de base à 70 euros, déjà nanti de l’essentiel, aux modèles pro qui tapent sous la barre des 180 euros. Dernièrement, Tama s’est mis aussi au design alu avec une variante de l’Iron, la Speed Cobra, qui vaut une dizaine d’euros supplémentaire.
Pearl n’a sans doute pas détrôné l’Iron Cobra, mais propose néanmoins une gamme assez homogène avec des modèles de base tournant autour des 70 euros, les Eliminator valant à peu près le double, et l’Eliminator Demon qui constitue le must de la marque, aux alentours de 250 euros. Plus chère que la Cobra, la Demon est néanmoins plus sophistiquée. Le mot n’est pas trop fort si on considère les picots (à tête rouge) qu’on peut ajouter ou retirer sur la tête de la batte afin d’alourdir ou d’alléger la frappe!!
Chez Yamaha, la politique est sensiblement différente. La marque se focalise essentiellement sur de la pédale simple, sans fioritures inutiles et joue la carte de l’efficacité. Pas d’esbroufe, pas d’innovations révolutionnaires, et un éventail de prix assez homogène, entre 72 euros et 158 euros. De quoi faire son marché qu’on soit débutant ou pro. L’esthétique certes, reste assez terne, mais choisir une pédale pour son look alors que par nature, elle passe son temps cachée derrière une grosse caisse, est un choix discutable..
Comme Yamaha, Mapex n’a pas une image aussi forte concernant ses pédales de grosse caisse, et doit composer avec les Iron Cobra et les Eliminator de sa concurrence nationale. La gamme commence néanmoins avec du matériel très économique (40 euros) pour culminer dans les 220 euros avec le modèle Falcon qui se caractérise essentiellement par ses capacités de transformation avec des cames et des battes interchangeables. La Falcon reste encore un peu timide sur le marché, mais attendons que Dave Grohl s’en serve et tout le monde en voudra une !
Les Européens
Dans ce grand désert économique qu’est l’Europe, Sonor est bien seul. Pour le sujet qui nous concerne, la société allemande fait preuve d’inventivité et sa série Giant Step bénéficie d’un certain prestige. Reconnaissables à dix kms grâce à leur semelle comportant une cible, les Sonor couvrent de façon plus ou moins homogène, l’étendue du marché. Au bas de l’échelle, la petite SP273 a 49 euros, a déjà ce qu’il faut . On peut chercher un peu plus de sophistication avec la 473, vendue 72 euros.. Passés les 200 euros, vous aurez droit à la Giant Step qui a été déclinée dans un modèle curieux dont nous allons parler plus bas, mais aussi la Jojo Mayer. Cette dernière, créée en collaboration avec un batteur suisse vivant à New York, est censée reprendre les qualités des pédales vintage remises au goût du jour.
Les alternatives
Même si le ressort hélicoïdal continue à remplir sa fonction plus qu’honnêtement (que ce soit à l’étirement ou à la compression), certains fabricants ressurgissent régulièrement avec de nouveaux procédés. On a vu que la Ghost fonctionnait avec un ressort en spirale il y a plus de 50 ans, mais les récentes Drumnetics et Airlogic sont bien plus étonnantes. La première utilise un aimant placé sur la base et un autre sous la semelle. Ces deux aimants étant de même pôle type, ils se repoussent, créant ainsi l’effet souhaité de ramener la batte à sa position initiale.
La Airlogic elle, comme son nom l’indique, utilise l’air. L’air comprimé. Comme on le voit sur la photo ci-dessous, la pédale possède un petit cylindre qui fonctionne comme une pompe à vélo. Après y avoir injecté la dose d’air voulue en pompant le levier A, le cylindre se remplit d’air comprimé. Le petit manomètre indique alors la pression en livres par pouce carré !! (ben ouais, c’est américain !!). Pour enlever de l’air, il suffit d’appuyer sur le bouton C. Sauf que, dans la pratique, on n’enlève pas DE L’air, mais TOUT l’air !! Il faut alors recommencer à pomper . Ce qui, il est vrai, ne dure que quelques secondes.
Ces deux procédés, pour farfelus qu’ils paraissent, prennent pourtant en compte le principal défaut du ressort. Celui-ci, en effet, fonctionne en étirement quand on appuie sur la semelle et en compression après le coup donné, lorsque la batte revient en position de frappe. Or, le batteur n’a pas besoin d’une résistance quand il frappe, mais seulement quand il a frappé. C’est alors qu’il faut que le mécanisme fasse revenir le plus vite possible la batte en position de frappe. Lorsqu’on dit qu’il n’a pas besoin de résistance quand il frappe, nous parlons de résistance pour la frappe. La seule résistance indispensable est que le pied, en se posant sur la semelle, ne s’affaisse pas et reste en position prête à frapper.
Il faudrait donc un mécanisme de ressort qui agisse sur l’aller, et un sur le retour, ce que propose, en principe, la Ghost. Avec un ressort en spirale, en effet, le ressort qui frappe tire sur l’enroulement du ressort de frappe et presse le ressort de retour. Les ressorts de ce type n’étant surtout performant qu’à l’étirement, la compression est censée être égale à peu de chose sur le ressort inverse (bon, j’ai toujours un doute quand même!!).
Avec l’air compressé et les aimants à pôle identique, on scinde le problème sur l’aller et le retour de façon identique. Ces deux principes vantent en effet leur courbe exponentielle de l’énergie nécessaire pour frapper. Avec le ressort, l’énergie fonctionne de façon linéaire: que ce soit en attaquant la frappe ou en la finissant, l’énergie fournie doit être la même. Avec l’air comprimée et les aimants, en revanche, la courbe est exponentielle. Ce qui veut dire qu’on aura moins d’énergie à fournir au départ ( là où l’effort est le plus important, comme pour les coureurs de 100 mètres).
Dans la réalité, ces belles théories se vérifient-elles ? Là encore, c’est au musicien de le dire. Entre les effets réels et les effets placebo des arguments du fabricant, difficile parfois d’y voir clair. On peut se demander, par exemple, si cette courbe exponentielle si séduisante sur le papier se ressent dans les faits. Lorsqu’on tend un arc, d’une certaine façon, là aussi, on est confronté à une force exponentielle : au départ, la corde se tend assez facilement, mais à mesure que l’on tire sur l’arc, l’effort doit être de plus en plus grand. Mais combien y a-t-il de débattement entre la position au repos et la position tendue ? 30.. 40 centimètres ? Sur une pédale de grosse caisse, le débattement, lui, est de deux ou trois centimètres! Cela est-il suffisant pour ressentir cette fameuse courbe exponentielle ? On peut se poser la question.

A gauche, le débattement entre arc au repos et arc tendu (à peu près 30 centimètres). A gauche, le débattement de l’axe de la batte (deux ou trois centimètres).
Les simples doubles
Alors que pendant 50 ans on s’est contenté de pédales qui faisaient boum boum, ces deux dernières décennies, nous en sommes déjà à la double pédale, mais aussi à la simple double !! Certains fabricants essaient en effet de doubler les capacités de nos batteurs avec une seule pédale de grosse caisse !
Les deux exemples suivants montrent deux principes intéressants mais qui n’ont pas que des avantages.
La Sonor Giant Step dont nous parlions, existe donc en pédale simple, mais a été aussi déclinée en version dite GTEP 3. Ce modèle très particulier permet au batteur de frapper avec la pointe ou la plante, mais aussi avec le talon. A priori, l’idée est séduisante : lorsqu’on vient d’appuyer avec la pointe, il suffit de frapper le talon, et ainsi de suite. Par de retour inutile donc, et deux battes qui frappent chacune leur tour.
Seul gros souci : la GETP 3 impose un jeu du pied droit complètement différent. Autant dire que si vous jouez déjà depuis pas mal d’années et que vous avez bien assimilé vos bases, jouer avec ce type de pédale va remettre tous vos compteurs à zéro. Les seuls qui parviennent à maîtriser ce genre d’attirail sont, soit complètement novices, soit très doués. Les premiers n’ont aucun réflexe et s’adaptent donc naturellement à l’outil et les seconds maîtrisent suffisamment bien la technique pour n’avoir qu’à inscrire ce nouvel exercice à leur cursus. Un inconvénient majeur subsiste néanmoins : prendre l’habitude de jouer avec cette pédale suppose qu’on lui restera fidèle et surtout, que Sonor continuera sa fabrication le plus longtemps possible. On peut rêver..
La Duallist, elle, choisit d’utiliser le retour en frappe. Par rapport à la Sonor, son apprentissage est doublement simplifié. D’abord parce qu’elle est utilisable comme une pédale classique. Ensuite parce qu’elle offre un contrôle au pied qui lui permet de passer d’une simple à une simple à double action. Lorsque la commande double est enclenchée, en appuyant sur la semelle, la première batte frappe la peau, et quand vous relevez le pied, la deuxième batte frappe la peau également.
Comme avec la Sonor, hélas, là aussi, un certain temps d’adaptation est pour le moins nécessaire ! Et comme pour la Sonor également, les réglages sont très importants : trop timides, l’effet escompté ne fonctionne pas, trop poussés, le résultat est aussi catastrophique !!
Doit-on s’effrayer que demain des doubles Sonor et double Duallist sortent sur le marché ? Pour la Duallist, nous n’en sommes pas loin puisque la Duallist D3 possède déjà trois battes et les démonstrateurs se vantent d’enchaîner les triolets au pied aussi vite qu’aux baguettes!!
Tiens tiens… Des triolets avec une pédale de grosse caisse. Ça me rappelle quelque chose. C’est pas John Bonham qui faisait déjà ça avec une bête Speed King, dans les années 70 ?
Merci infiniment pour tous ces détails. Je commence à peine la batterie dans les styles rock et métal. J’ai 40 ans et vaut mieux tard que jamais j’allais dire.
A part les constructeurs vantant les mérites de leurs pédales et l’on est un peu perdu car je n’ai pas encore trouvé mon jeu (çà vient quand même) je vous dis merci d’avoir posé tous les points essentiels pour mon propre choix: çà donne aussi envie de se la bricoler soi-même !!!
Bonne continuation et merci encore !!!
Cher Philippe, ne te casses pas la tête pour choisir une pédale si tu débutes. Les pédales actuelles à prix économiques sont souvent très bien et il est important de savoir que même avec un bas de gamme d’une marque sérieuse, ta rapidité de jeu au pied ne la prendra jamais en défaut. Quant à la solidité, elle se juge sur pièce assez facilement rien qu’en inspectant visuellement le biniou.
Pour ce qui est de bricoler soi-même sa propre pédale, je suis plutôt dubitatif. On peut avoir l’impression qu’une pédale de grosse caisse est une pièce de quincaillerie assez ordinaire, mais c’est néanmoins un outil de précision qui demande quelques essais d’équilibre fastidieux, un outillage de qualité, et des matériaux solides mais légers. Bref, un investissement en temps et en argent bien plus important que les 40 ou 50 euros que tu dépenserais pour une pédale de marque économique mais complète et fonctionnelle.
Pour finir, j’ajouterai qu’une petite pédale modeste bien réglée est bien plus efficace qu’une pédale chère et sophistiquée mal réglée.
Bonjour,
je ne comprend pas trop sur le premier dessin comment la batte peux frapper la grosse caisse OU la cymbale. Il faut la déplacer manuellement?
Bonjour , merci pour votre article .
Auriez vous des details tres precis et techniques concernant l incidence de l angle ( hauteur des pieds de grosse caisse ) , le parallelisme grosse caisse par rapport a la batte ?
Je test pleins de chose ici dans mon studio , mais je voudrais bien avoir des avis différents .
Merci d avance