Le langage de la batterie
Le kit de batterie moderne date du milieu des années 30 où Gene Krupa demande à Slingerland de lui fabriquer un instrument qui ressemble à ce que nous pouvons voir sur ce catalogue de la marque de 1936.
Mis à part quelques accessoires d’accastillage, ce kit est très proche de ceux qu’on trouve aujourd’hui sur le marché avec une grosse caisse, un tom médium et un tom basse. Entre les jambes de Krupa, une caisse claire et en cymbales, largement de quoi faire avec une pédale de charleston et quatre cymbales situées autour du kit.
C’est avec cet ensemble que les batteurs ont trouvé une cohérence sonore totale avec les orchestres les plus divers.
La batterie ne doit pas son nom français au hasard puisqu’elle est bien une batterie d’instruments de percussion regroupés de façon a être joués par un même homme. Au départ, d’ailleurs, elle était composée d’une grosse caisse et d’une caisse claire qui jouaient le même rôle que celui qu’on leur administrait déjà dans les fanfares et recevait une console sur laquelle le batteur disposait diverses petites percussions : triangle, wood block, cloche, et. On pouvait y ajouter un tom ou deux et des cymbales qu’on suspendait.
Si le rôle du batteur d’antan était de jouer essentiellement temps forts et faibles à la façon du musicien de fanfare, l’adjonction d’une pédale de grosse caisse et de la pédale de charleston a demandé un travail d’indépendance des membres inférieurs avec les membres supérieurs qui a compliqué les choses. Les batteurs qui étaient alors des percussionnistes sont devenus vraiment des batteurs, ce qui ne minimise pas, loin s’en faut, le talent des percussionnistes, mais qui fait d’eux des instrumentistes à part entière. On pourrait, par exemple, faire le même type de comparaison avec les pianistes et les organistes qui travaillent tous sur un clavier mais avec une approche différente.
Du grave à l’aigu
L’approche de la batterie justement, c’est de cela dont on va parler ici. On note dès le départ, que la batterie couvre un large spectre de fréquences ainsi que quatre types de timbres assez différents.
En ce qui concerne les fréquences, la batterie va en effet du plus grave avec la grosse caisse jusqu’au plus aigu avec les cymbales.
Des peaux, des métaux
Les couleurs sonores d’un kit courant sont de types basses plus ou moins matées (grosse caisse), fûts au son plus ethnique (toms), attaque puissante et percutante avec la caisse claire et timbre métallique des cymbales.
Un ensemble cohérent
Les rythmes basiques de la batterie rock sont à peu près tous constitués d’un échange grosse caisse/ caisse claire qui donne ainsi une pulsion alternée de son sec, aigu et puissant avec un son lourd dans les basses fréquences. C’est déjà un échange rythmique que l’on entendait dans les fanfares. Ces dernières étaient dotées des cymbaliers qui accentuaient et appuyaient certains passages de la partition en frappant deux cymbales. Le batteur joue donc le rôle de ces trois musiciens, la cymbale, de type crash, étant simple désormais, et frappée à la baguette. Cette trilogie grosse caisse, caisse claire et cymbales se retrouve également dans les orchestres philarmoniques.
Trois nouveaux venus vont enrichir ce vocabulaire militaire qui est la base rythmique du batteur : les toms, la pédale de charleston, et la cymbale rythmique.
Les toms
Au nombre de 1 ou 2 dans les configurations typiquement rock’n roll, mais pouvant s’étendre à l’envi selon la mégalomanie du musicien, les toms, comme on l’a dit, produisent un son de type tribal. Le batteur les utilisent parfois dans une rythmique de base, mais ils sont surtout très utiles pour les reprises (fill in en anglais). Les bons batteurs savent mixer ainsi ce son très rond et pêchu avec celui, très sec de la caisse claire et les contretemps puissants et graves d’une grosse caisse.
La charleston
La pédale Hi Hat (anglais) fut d’abord commercialisée dans une version qui ne mesurait pas plus d’une vingtaine de centimètres. En actionnant la pédale, les cymbales s’entrechoquaient. L’idée était de remplacer ces deux cymbales de fanfare qu’on faisait sonner en les frappant l’une sur l’autre. Plus tard, Barney Walberg, de Walberg et Auge qui contribua notoirement au développement de la batterie moderne, fabriqua la pédale hi hat que nous connaissons aujourd’hui, de hauteur plus conséquente, à hauteur de batteur. Cela permit alors de frapper les cymbales, pédale ouverte ou fermée et changea progressivement le rôle de ces deux cymbales.
Le rôle de la pédale de charleston est en effet identique à la cymbale ride, soit de découper la mesure en signature rythmique rapides régulières (rock) ou selon un schéma donné plus complexe (chabada en jazz, par exemple) qui donne une pulsation répétitive sur laquelle la caisse claire et la grosse caisse viennent s’insérer. Pour être plus simple, disons qu’on joue la charleston en croche alors que la caisse claire et la grosse caisse joueront des noires, par exemple.
Les sons de la pédale hi hat sont assez variés puisqu’on peut la jouer en frappant la paire de cymbales avec les baguettes, pédale fermée ou ouverte. Pédale fermée, la charleston produit un son sec sans sustain alors qu’ouverte, on fait résonner la cymbale du dessus. Certains mêmes, s’amusent avec brio à frapper alternativement les deux cymbales. Une utilisation courante consiste à frapper la cymbale du dessus, pédale ouverte, puis d’appuyer aussitôt sur la pédale pour étouffer la résonnance. L’exemple le plus évident du son produit par cette technique classique constitue l’introduction du tube des années 60 Mellow Yellow de Donovan. ( Plus récemment samplé par Danny Brown dans « What yo name is »).
Une autre variante consiste à appuyer régulièrement sur la pédale, ce qui produit alors un son plus feutré que la frappe directe aux baguettes sur la pédale fermée, mais laisse la main droite libre (gauche pour le gaucher).
La cymbale ride
Comme on vient de le dire, la cymbale ride officie dans le même secteur que la pédale de charleston et son rôle est bien distinct de la cymbale d’accentuation (crash ou splash). Souvent assez lourde et de dimension importante, elle est jouée dans des signatures rythmiques rapides, comme la charleston. Ce type de cymbale, bien que de format assez imposant voire de grande dimension (certaines font 18 ou 20″), sonne plutôt discrètement et avec précision car elle est destinée à découper les mesures en croches ou double croches (voir plus si on est énervé). Pour fonctionner suivant ce schéma, la majorité des ride ne « s’emballent » pas, c’est à dire que les frappes rapprochées des baguettes n’entraînent pas une montée en puissance et une mise en vibration constante de la cymbale, mais font ressortir les « ping ». D’autres, cependant, peuvent, au contraire, laisser passer ces « ping » tout en vibrant de façon constante en enrobant le jeu d’une nappe musicale constante. Cette différence entre jeu léger en « ping » et jeu faisant intervenir une nappe de bruit blanc peut toutefois être plus ou moins maîtrisé par le batteur lui-même.
Dernière chose : la cloche de la ride a un son plus incisif et de plus fort volume que l’instrumentiste incorpore selon son envie, de façon plus ou moins répétée.
Les cymbales crash et splash
Les termes parlent d’eux-mêmes concernant ces cymbales qui sont des instruments d’accentuation. La crash, plus employée, est celle que l’on entend régulièrement dans des milliards de morceaux et qui appuie des temps que l’on veut mettre en avant. La splash a moins de sustain et sa sonorité sèche se rapproche d’une crash frappée puis assourdie à la main.
Les cymbales d’effet
La principale cymbale d’effet utilisée est la cymbale chinoise à bords recourbées qu’il est conseillé d’ailleurs de jouer à « l’envers » pour une utilisation prolongée, ce qui ne change rien à sa sonorité. Etant d’utilisation relativement courante, ce type de cymbale est un peu à part du monde des cymbales d’effet qui fleurissent de plus en plus dans des matériaux de plus en plus divers. Certains de ces instruments n’ont d’ailleurs de cymbales que le nom, les plus expérimentaux s’apparentant plutôt à des instruments de percussions de la famille des métaux.
Conclusion
Après avoir fait le tour de l’organisation classique du kit de batterie actuel, je vous donne rendez-vous dans un prochain chapitre qui sera consacré à… l’apprentissage de la batterie !
Mais oui !!!!