MASSIF, CONTREPLAQUÉ ET PHOTOFLAME
J’avais promis de donner quelques infos pour aider à reconnaître la matière utilisée pour fabriquer une table de Les Paul.
Évidemment, cela peut aussi servir pour d’autres tables et globalement toutes les finitions bois des caisses de grattes ; mais le sujet est souvent évoqué sur les forums du net concernant la Les Paul, du fait de la nature même de cette guitare, notamment dans sa version dite à table flammée. Dans ces forums, si la réponse est souvent donnée avec précision, je n’ai jamais trouvé de photos parlantes et je me propose donc de le faire ici.
Il existe globalement trois façons de construire la table d’une Les Paul flammée. La première, la plus chère, consiste à utiliser de l’érable massif bookmatched.

coupe dans l’épaisseur d’une planche, puis ouverture des deux planches obtenues qui sont ensuite collées
La deuxième, jamais utilisée par Gibson à ma connaissance, mais sur certaines copies, consiste a coller un contreplaqué d’érable flammé de quelques dixièmes de millimètre d’épaisseur sur la table. Celle-ci peut donc être en érable ou d’une autre essence de bois, puisque la couche supérieure, elle, sera ce contreplaqué d’érable.
La troisième méthode utilise une photo de table d’érable flammé qui est transférée ensuite sur la table de la guitare. Là encore, comme pour la deuxième méthode, on peut décider de choisir le bois que l’on veut pour servir de support, puisque la photo montre les figures d’un érable de qualité (graphique en tout cas) supérieur. Cette troisième méthode est utilisée sur les guitares meilleures marchés.
Pratiquement, la méthode la plus onéreuse est pourtant la plus simple ! En effet, il est plus facile de coller deux planches sur une caisse en acajou et de sculpter ensuite la table en voûte que de sculpter une table, puis d’apposer sur cette voûte un placage qui l’épouse parfaitement! Quant à la technique du photoflame, elle est aussi complexe à obtenir car, cette fois, ce n’est pas un placage disponible chez un fournisseur de bois qui va cacher la misère, mais un film portant une photo qu’on va devoir coller parfaitement sur une table bombée ! Mes recherches Internet citent Kodak, Polaroïd et Fuji qui auraient mis au point ce procédé. Il doit être parfaitement maîtrisé si on veut réaliser un collage du film sur le corps d’une guitare au relief marqué comme l’est la Les Paul.
On comprend alors combien le prix du bois entre dans une part importante de la lutherie industrielle.
Terminons en rappelant qu’une table en bois massif est sensée être un meilleur choix qu’une table en contreplaqué pour une guitare acoustique. La guitare électrique étant aussi une guitare, on peut lui appliquer également cette théorie.
MAIS, tout bon luthier vous dira qu’un excellent placage est meilleur qu’un bois massif médiocre et que le procédé du contreplacage est un gage de solidité.
ET qu’une guitare électrique est une guitare certes, mais que le rôle de la table d’une solid body (qui du coup, est souvent table et caisse à la fois) n’est pas aussi primordial que celui d’une guitare acoustique.
ET que les beaux érables figurés ne sont pas meilleurs acoustiquement, mais juste plus flatteurs à l’oeil, même si, bien sûr, une belle table d’érable SUPERIEUR figuré reste le summum puisqu’il allie l’utile (le son) à l’agréable (le look).
Différence visuelle entre un placage et une table massive
Dans les deux cas, on a affaire à du bois et il est donc impossible de différencier ces deux méthodes puisque les figures donneront ce résultat en « trois dimensions » qui caractérise les tables en érable flammé. En dévissant les micros d’une copie Les Paul portant un placage, il peut être toutefois possible de vérifier dans la défonce, si on ne trouve pas de différence de couleur ou de matière entre le haut de la table et l’intérieur.
Sur la photo suivante, on voit un placage sur une acoustique. Je l’ai surligné en rouge pour qu’on se rende bien compte de la faible épaisseur de ce type de placage. On imagine que pour un oeil peu exercé, un placage très fin ayant la même couleur que le bois sur lequel il est posé, peut être toutefois difficile à déceler.
Une autre façon, plus suggestive, celle-là , consiste à comparer le prix de l’instrument à son aspect. Ici, voici une photo d’une Prestige SB.
Cette marque Canadienne propose ce modèle à un prix se négociant autour des 1000 dollars, soit environ 700 à 800 euros. La riche ornementation de l’instrument laisse peu de doute quant à la main d’oeuvre non canadienne ou aux matériaux asiatiques, ou aux deux, qui ont participé à sa fabrication. Une autre indication se trouve sur le site de la marque : la description du modèle parle en effet d’une « arched/ Abalone bound AAA grade quilted maple top », soit, une table voûtée en érable pommelé de qualité AAA décoré d’un filet d’abalone. Je ne m’attarderai pas sur la terminologie abalone utilisée frauduleusement par TOUS les fabricants aujourd’hui et qui n’est que du plastique IMITATION abalone. Je noterai, en revanche que la longue description de la table ne contient pas la mention « solid » qui signifierait qu’elle est massive.
Les deux photos suivantes montrant un détail de la table sous deux éclairages différents prouvent, en tout cas que, si l’érable de la table n’est sans doute pas massif, nous avons tout de même affaire à un placage de vrai bois d’arbre. Bonne surprise , sapristi !

un éclairage différent montre des colorations différentes.(on le voit précisément sur les zones entourées de vert)
Différence entre un placage et un contreplaqué avec un photoflame
Il est en revanche beaucoup plus facile de déceler une photo de bois d’un vrai bois, car le photoflame ne réagit pas du tout de la même façon à la lumière. Alors que les veines du bois passent de sombre à clair selon l’exposition lumineuse, la photo, elle, ne peut montrer que les zones claires et sombres telles qu’elles étaient à la prise de vue. L’éclairage, dans ce cas, ne changera rien à l’affaire : le dessin restera toujours le même.
Voici une Epiphone Flying V popa chubby en Korina.
Le Korina est une espèce d’acajou qui avait servi à la fabrication de certains modèles mythiques de l’âge d’or de Gibson, dont la Flying V. Le modèle Epiphone Popa Chubby est-il vraiment en Korina alors que ce bois était déjà à l’époque, interdit à la coupe ? Vraisemblablement, on est en droit de se demander s’il ne s’agirait pas plutôt d’une espèce plus ou (beaucoup) moins proche que Gibson ( maison mère d’Epiphone) aurait appelé ainsi. Quoiqu’il en soit, on note, sur cette photo, qu’une mincissime couche plus foncée couvre l’avant et l’arrière de la guitare.
Si le corps compris entre ces deux couches est du Korina (ha !ha !), ces deux couches décoratives sont des photoflames. De vrai Korina, sans doute, pour le coup ! Deux clichés de la même zone pris sous un éclairage différent ne montrent aucun changement de nuance des zones claires et foncées, si ce ne sont des reflets de vernis. A l’évidence, Epiphone a refourgué du photoflame à Popa Chubby. Ça va chier !
Sur ce détail de Navigator ( copie haut de gamme Les Paul), selon l’éclairage, les zones claires se foncent et inversement. Ici, à l’évidence, ce n’est pas un photoflame. C’est même un érable massif.

bien que la photo de droite soit un peu floue, on distingue bien la zone indiquée en vert qui n’est pas ombrée de la même façon qu’à gauche
Pour finir, faisons moi plaisir avec ces deux photos de Les Paul Suprême sous deux éclairages différents. Pas besoin de photographier dans le détail : les deux clichés de la table complète montrent les changements radicaux de nuances. Là aussi, nous sommes en présence de bois massif.
Cette petite mise au point photographique étant faite, que ce soit une table en photoflame, en contreplaqué ou en massif, comme le rappelle toujours mon ami Jean Pierre : « c’est le musicien, et non l’instrument qui fait le son ! ». Bonsoir.
Dis-moi Kafka, est-ce qu’elles sonnent au moins ces guitares ? Parce que bon c’est la base de toute bonne gratte, gibson fender ou Ibanez (ah oui c’est vrai d’après toi c’est de la merde…) !
Et sinon, à quand la construction de piano de qualité comme ceux vendus chez Daudé ou chez Pleyel ?
Allez BANZAÏ le grolandais
Dip
mon cher Diplodocus, qu’elles soient en massif, en contreplaqué ou en contreplaqué recouvert d’un photoflame, les Les Paul, notamment, peuvent très bien sonner entre de bonnes mains. Après, c’est aussi une question de chance comme avec toutes les guitares. Parfois, une petite guitare bien faite vaut mieux qu’une grosse prétentieuse mal branlée. C’est pourquoi je n’ai pas prétendu que les bois massifs sonnaient mieux que les contreplaqués et que je me suis cantonné à l’aspect esthétique des binious. Quant à Ibanez, vu l’étendue de leur gamme, il y a forcément des avions de chasse produites par ces japonais, mais je préfère les vieilles grattes qui vont mieux avec mon âge. Concernant la construction des pianals, ça me dépasse encore plus!! Merci en tout cas, de perdre ton temps à lire mes conneries!
Oui c’est sûr que dans les mains d’un expert même la pire des grattes peut avoir un vrai -bon- son. Mais sinon je voulais savoir comment tu t’y prenais pour avoir autant de docs ? Livres, sites… ? et sinon quel(s) genre(s) d’appareil(s) utilises-tu pour prendre tes clichés, parce qu’ils rendent vraiment bien !
Au fait bravo pour tes explications, ça fait du bien de voir quelqu’un d’aussi passionné qui prend du temps pour expliquer clairement en illustrant et tout…
Dip
Cher Diplodocus, ma documentation vient de mes lectures de monomaniaque qui, depuis quelques années, se limitent à des bouquins consacrés aux grattes électriques. Comme cette doc ne se trouve pas dans l’endroit où j’écris ce blog, je me fie à ma mémoire et je consulte parfois Internet bien sûr où on trouve une foule de choses en essayant de recouper toujours car les approximations sont parfois nomnbreuses. Cela étant, ce blog est plus une initiation à des bases qu’une encyclopédie, bien sûr. Les discussions avec des musiciens et les luthiers me sont bien sûr toujours précieuses et mes amis de Guitare Garage à qui je pose tout le temps une foule de questions idiotes m’aident beaucoup!!! Pour les photos, j’ai un très bon Canon 5D, mais elles pourraient être bien meilleures si je maitrisais mieux l’éclairage. Enfin, j’essaie de m’améliorer mais il y a encore du boulot!! Bien à toi Diplodocus et méfie toi des Tyrannosaurus Rex qui sont bien plus dangereux que T.Rex.
Salut! J’ai récemment communiqué avec les mecs d’Epiphone pour avoir des renseignements quant à mon epi lespaul 57 goldtop Ltd edition. Selon eux, ils n’utilisent pas ce genre de finitions.
Je les ai contacté pour un doute sur le dos de ma gutiare, qui me semble photoflammé, et je continu à croire en ton article.
Je peux t’envoyer l’échange que j’ai eu avec Epiphone, si tu le veux.
cher ami, le dos d’une gold top n’est pas photoflammée puisqu’elle n’est pas flammée! C’est une caisse en acajou verni. L’intérêt des photofamme est de reproduire les tables des Les Paul. La tienne étant dorée, c’est un vernis, et l’arrière est un acajou vernis également. Je vais lire tes mails avec Epiphone, mais ils ont du te faire une réponse dans le même style, je suppose. En tout cas, ne t’en fais pas: il n’y a aucune photo sur ta guitare!!!
Hum, sur la Poppa Chubby Korina alors, c’est pareil, non?
En fait, la finition de l’acajou est bizarre selon moi, comme tu le disais, il n’y a pas de variation entre les ouches foncées et les touches claires du bois, face à la lumière. Est-ce normal?
Je peux te joindre la correspondance par mail, ou sur autre chose?
Cher Frantz,
Merci pour ce blog excellent que je découvre bien trop tard.
Je reviens sur l’Epi Flying V Poppa Chubby : si il est indéniable que les top et dos sont photoflammés « korina », quel serait donc le bois pris en sandwich entre les photos ?
J’ai lu de tout sur le korina d’Epiphone, sans jamais avoir de confirmation : depuis le basswood jusqu’à du lamellé-collé de limba/korina , la sensibilité de ce bois au noircissement par un champignon donnant de grandes quantités de bois visuellement inutilisable.
Un avis d’expert ?
hélas non, pas d’avis d’expert sur la question. Il est clair, en revanche, qu’Epiphone devait sans doute utiliser le bois disponible sans se poser beaucoup d’autres questions! Le principal étant que la guitare est plutôt un modèle original qui mérite l’attention et qui devrait vieillir sans problème.