Anatomie d’une guitare folk
Ayant eu l’occasion récemment de récupérer une guitare acoustique bonne à la benne, je n’ai pas résisté à la tentation de démonter la pauvre fille à coups de marteau, cutter, tournevis et autres instruments à lame plus ou moins affutée.
Cette petite guitare folk avait souffert d’un décollement sévère de chevalet ayant provoqué une déformation critique de la table d’harmonie. En fait, vu les dégâts, il est fort possible que le chevalet ait été arraché. Rien n’est impossible pour mes amis de Guitare Garage, mais le prix de réparation comparé au prix de la guitare était bien trop élevé pour ce modèle en bois de boîte à camembert. Le client a donc préféré abandonner le truc que j’ai récupéré pour mes expériences.
Cette photo est donc le dernier vibrant hommage posthume à cette guitare.
Bien que de basse extraction, elle présente grosso modo les caractéristiques de la plupart des guitares folk sur le marché, indépendamment de leur prix.
Tour du propriétaire
La guitare est constituée de deux éléments essentiels : la caisse et le manche.
Ces deux éléments essentiels sont eux même, constitués de nombreuses autres parties que nous allons voir en détail.
La caisse
Elle est dotée d’un fond (6) sur lequel sont collés des contre éclisses souples(10) qui se collent également sur les éclisses (5) gauche et droite, ces contre éclisses agissant comme des mini équerres qui joignent le fond aux éclisses. Le fait que ces bandes de bois sont fendues régulièrement permet de les courber en suivant la forme de la guitare. La table d’harmonie (1) est collée de la même façon.
A ce sujet, notons que le fond et la table d’harmonie n’ont pas du tout la même fonction bien qu’ils se ressemblent et forment tous les deux les « couvercles » de la caisse.
La table d’harmonie, en effet, doit être suffisamment solide pour supporter le tirant des cordes qui sont accrochées sur le chevalet (2), lui même solidaire de la table après collage. Mais elle doit aussi être suffisamment fine et de bonne facture pour vibrer parfaitement, cette vibration fournissant le timbre de
l’instrument
Le fond, lui, n’a qu’un rôle de fond de boîte de résonance dont les éclisses constituent les bords.
Néanmoins, le fond, comme la table d’harmonie sont consolidés tous les deux grâce à des tasseaux (7). Si le fond demande une consolidation assez sommaire ne demandant pas de qualité d’acousticien hors pair, la table d’harmonie, elle, n’est pas consolidée au hasard. Sur notre exemple, notamment, on trouve un barrage en X qui reprend les caractéristiques générales des guitares Martin, dès 1850. En fait, même avant, ce barrage datant de 1820 sur des modèles plus confidentiels. Toutefois, ce sont les Martin qui ont pérennisé ce système de plusieurs tasseaux, affinés sur les bords et d’autres, fins et plats, à des endroits spécifiques, en bois plus foncé sur notre modèle, comme sous le chevalet. Dans ce cas précis, cette pièce n’a pas donné entière satisfaction, de toute évidence !
Les éclisses, quand à elles, sont réunies aux deux extrémités grâce à deux gros tasseaux parallélépipédique (11) sur lesquels on pourra, si on veut, visser des attache courroies (absents sur notre document). Le tasseau côté manche, enserre les éclisses comme on le voit sur le schéma en haut à droite (l’emplacement des éclisses est indiqué en rouge). Ce dessin montre également que, sur cette guitare, le tasseau est constitué de deux pièces de bois, mais il existe d’autres types de fabrication de ce point de rencontre essentiel entre le manche et la caisse.
Sur la face avant de la table d’harmonie est collé le chevalet (4), constitué lui-même de 3 éléments : un socle en bois d’une part, creusé vers l’avant pour y recevoir le sillet (3) d’autre part. On y trouve également 6 trous le traversant ainsi que la table d’harmonie. On insère les cordes (absentes sur le doc.) dans ces trous, en les coinçant ensuite avec des chevilles (4).
La table d’harmonie comporte évidemment une rosace (20) qui permet au son de se projeter en avant. Cette rosace est souvent décorée avec des filets circulaires (21). Sur notre exemple figure aussi une plaque de protection (pickguard en anglais) (19) afin de protéger au mieux la table des coups de médiator.
Le manche

sur ces deux coupes de manche, on voit une touche avec radius (à droite) et une touche plate (à gauche).
Le carré blanc symbolise la défonce où s’insère le truss rod.
Le manche commence au talon, là où se trouve le numéro (8) et se poursuit jusque la tête (15). La partie la plus délicate à construire est la touche (12) qui doit être parfaitement plane bien que dotée d’un léger radius (plus prononcé sur les électriques).
En plus de sa planéité, la touche porte les frettes (17) à des endroits très précis qu’il convient de respecter sous peine d’obtenir un instrument faux. On insère des repères (18) sur certaines cases de la touche, en suivant généralement l’ordre indiqué, la 12ème case étant repérée différemment, car elle indique le milieu de la longueur vibrante de la corde (entre les deux sillets : celui du chevalet et celui de tête ).
En bout de touche, en effet, se positionne le sillet de tête (13) avec ses six entailles permettant aux cordes de le traverser et d’atteindre les mécaniques d’accordage (16).
Cette barre métallique (9) qui traverse le manche de part en part, et qui est caché par la touche en fin de fabrication, est le truss rod ou barre de réglage, qui permet d’agir sur la courbure que peut prendre le manche sous l’effet du tirant des cordes ou si le bois travaille pour des raisons d’humidité. Pour tendre ou détendre le truss rod, on passe une clef allen par la rosace et on tourne dans un sens ou un autre selon le besoin.

On insère une clé Allen dans ce trou et on tourne par quart de tours…
Notez qu’on voit très bien, sur ce document, les contre éclisses et le bloc enserrant les éclisses.
On remarque également que le trou traverse un tasseau, comme avec notre guitare de référence.
Au final, on aboutit à la tête (15) qui est souvent inclinée afin de bien tendre les cordes vers l’arrière. Sur cette tête sont vissées les mécaniques d’accordage (16) qui traversent la tête de part en part, ainsi que des embouts cylindriques (14), ferrules, en anglais, qui maintiennent les axes des mécaniques droit et les empêchent de frotter contre le bois.
Conclusion :
Vous voilà désormais au fait de la construction d’une guitare acoustique dont on connaît l’aspect extérieur mais moins la face cachée . C’est sur cette formule hardie que nous clorons ce chapitre non sans rappeler ce que rappelle toujours mon ami Jean-Pierre : « c’est avant tout le musicien qui fait le son ».